Neurosciences et surinterprétations : les limites d’une science trop idéalisée

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Pourquoi avons-nous tendance à accorder plus de crédibilité à une explication neuroscientifique, même lorsque nous ne la comprenons pas entièrement ? Pourquoi une étude illustrée par une image d’IRMf nous semble-t-elle plus convaincante, alors même que nous ne savons pas vraiment l’interpréter ?

Dans cet article, nous allons chercher à comprendre ce phénomène. Pourquoi les neurosciences exercent-elles une telle fascination ? Pourquoi ce champ de recherche, parfois complexe et technique, est-il si facilement idéalisé par le grand public – et même par certains scientifiques ?

Type d’IRMf (imagerie à résonance magnétique fonctionnelle):

(Les couleurs jaune orangé n’ont rien à voir avec l’activation de cette partie ni de l’intensité, je réserve l’explication pour un autre article)

 🧪L’expérience menée en laboratoire : 

Une étude de 2009 menée par Weisberg et ses collègues, intitulée « La séduisante allure des explications en neurosciences », explore ce biais. Elle se compose de trois expériences.

Dans la première, des participants novices devaient juger la qualité de plusieurs explications scientifiques, certaines correctes, d’autres incorrectes, présentées avec ou sans justification neuroscientifique (NS). Les résultats montrent qu’en présence d’une explication neuroscientifique (par exemple, une mention d’IRMf), les explications incorrectes semblaient plus convaincantes aux yeux des participants. Alors que qu’ils différencient bien les explication bonnes des mauvaises quand il n’y avait pas de mention de neurosciences.

Exemple:

ÉnoncéCatégorie
Les chercheurs affirment que la mémoire est un processus cognitif composé de sous-types, cela permet l’encodage, le stockage et la récupération.✅ Valide sans NS
Les chercheurs affirment que la mémoire est un processus cognitif unique, ce qui permet entre autres l’encodage, le stockage, la consolidation.⚠️ Faux sans NS
Les scanners cérébraux indiquent que la mémoire est en lien avec des circuits du cortex préfrontal, qui permet l’encodage, le stockage et la récupération✅ Valide avec NS
Les scanners cérébraux indiquent que la mémoire est en lien avec des circuits du cortex préfrontal, ce qui permet l’encodage, le stockage et la consolidation.⚠️ Faux avec NS

La deuxième expérience impliquait des étudiants en neurosciences, supposés avoir une formation critique. Pourtant, ils manifestaient le même biais, surévaluant les mauvaises explications dès lors qu’elles comportaient une évocation neuroscientifique.

Enfin, un troisième groupe composé de chercheurs et diplômés en neurosciences ne présentait plus ce biais, suggérant que seule une expertise poussée permet de dépasser l’effet de « séduction » des neurosciences.

🧩 Quelques pistes d’explication

Même s’il n’existe pas encore d’explication définitive à ce biais cognitif, les auteurs de l’étude proposent plusieurs hypothèses intéressantes :

  • L’heuristique de raisonnement
    C’est un raccourci mental qui nous pousse à considérer qu’un langage technique, complexe ou spécialisé renforce la crédibilité d’un propos. Une explication truffée de jargon neuroscientifique semble ainsi plus fiable, même lorsqu’elle est incorrecte.
  • L’effet des détails séduisants
    L’ajout de petits faits techniques ou physiologiques – comme une référence à l’imagerie cérébrale – donne une impression de rigueur scientifique. Ces détails, même s’ils sont secondaires ou inutiles, rendent l’explication plus convaincante.
  • L’argument d’autorité
    Les neurosciences jouissent aujourd’hui d’un immense prestige. Lorsqu’une explication s’appuie sur des termes associés à ce domaine (IRMf, cortex, neurotransmetteurs…), nous avons tendance à lui faire confiance sans la remettre en question, comme si elle venait d’une source experte incontestable. Le simple fait qu’une idée « sonne » scientifique suffit parfois à la valider, même en l’absence de compréhension réelle.
  • Le réductionnisme
    Nous avons tendance à croire que toutes les causes d’un comportement ou d’un état psychologique se trouvent dans le cerveau. Cette vision réductrice – qui néglige les facteurs culturels, sociaux ou expérientiels – renforce l’illusion que les neurosciences peuvent tout expliquer, du bonheur à la dépendance, en passant par l’intelligence ou la performance.

Une Fascination excessive :

Cette fascination grandissante pour les neurosciences — que certains qualifient de “neuromania” — est particulièrement visible sur Internet et dans les médias. À la moindre mention de cerveau ou d’IRMf, un article semble gagner en légitimité, même lorsqu’il repose sur une interprétation hasardeuse.

Comme le souligne un chercheur (anonyme) :

« Je suppose que les gens s’attendent à ce que les études de neuroimagerie en disent bien davantage sur notre psychologie qu’elles ne le font ou ne le peuvent. »


En effet, nous avons tendance à extrapoler les résultats de ces études, en oubliant qu’elles décrivent avant tout des mécanismes biologiques. Traduire ces données en explications psychologiques fiables est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense.

Pourquoi ce glissement est-il si fréquent ? Parce que la psychologie touche directement à ce que nous vivons au quotidien : nos désirs, nos angoisses, nos choix, notre personnalité.

Nous sommes naturellement attirés par tout ce qui semble pouvoir expliquer qui nous sommes et pourquoi nous agissons comme nous le faisons. C’est cette quête de sens, de connaissance de soi, qui alimente notre intérêt pour les neurosciences — surtout quand elles sont présentées comme une clé pour comprendre notre identité.

Mais sans connaissances spécifiques, nous avons souvent une lecture biaisée de ces résultats. Et dans un contexte médiatique où les titres sont racoleurs et les explications simplifiées à l’extrême, nous risquons de confondre vulgarisation et déformation.

📺 Médiatisation exacerbée:

De plus, les médias se servent de cela pour vendre. Avec des titres d’articles provocateurs, des avancées en neurobiologie ou en psychiatrie qui expliqueraient la psychologie de chacun. Ce qui est évidemment faux.

Exemple de non sens qu’on peut lire:

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Aucune zone ou structure cérébrale n’est à elle seule le siège exclusif d’une fonction. Bien que certaines régions jouent un rôle plus central que d’autres, l’idée de localisations précises pour chaque capacité, comme une ‘zone de l’amour’, du bonheur ou des mathématiques, est une simplification qui nous rassure. En réalité, le cerveau est un réseau complexe, et ces représentations localisées relèvent davantage du mythe que de la science.

🥬 Neuro-salade:

Nous pouvons aussi remarquer que sur le web anglo-saxon, nous évoquons le terme de neuro-gibberish (ou neuro-salade). Pour expliquer une argumentation avec des faits neuroscientifiques bancals ou tout simplement des bêtises censées appuyer des faits scientifiques. Cette idéalisation des neurosciences peut donc prendre différentes formes, allant de la simplification excessive à de la pure désinformation.

Exemple classique de neurosalade :

« Boire de l’eau citronnée le matin stimule votre cortex préfrontal, activant les neurotransmetteurs responsables de la motivation et optimisant ainsi votre productivité grâce à une meilleure connectivité neuronale. »

📚 Les travaux de Duque et la tentation du « neuro-tout »

Le chercheur Fernandez-Duque étudie précisément ce phénomène de séduction par les neurosciences. Ses résultats montrent que l’effet d’autorité associé aux neurosciences est particulièrement puissant — bien plus que celui exercé par d’autres disciplines pourtant très rigoureuses, comme les mathématiques ou la physique. En d’autres termes, le simple fait qu’une explication évoque le cerveau suffit à lui donner un statut quasi incontestable.

Mais ce phénomène ne s’arrête pas aux études scientifiques : il déborde dans de nombreux domaines du quotidien.

Ces dernières années ont vu émerger de nouvelles disciplines comme le neuro-marketing, la neuro-éducation, ou encore le neuro-droit. Dans bien des cas, ce préfixe neuro- est utilisé comme un argument d’autorité pour légitimer une approche encore floue ou peu fondée. C’est exactement ce qu’on appelle une « neuro-salade » : un habillage pseudo-scientifique qui donne l’illusion de sérieux à des discours qui n’en ont pas nécessairement.

On ne remet pas en cause ici tout travail interdisciplinaire impliquant les neurosciences — certains sont rigoureux et innovants — mais l’usage systématique du préfixe « neuro » comme stratégie marketing doit nous alerter. Ce réflexe de crédibilisation instantanée par le vocabulaire peut masquer des manques de fond, voire des dérives.

L’exemple du neuromarketing qui ne veut absolument rien dire et qui n’a aucune crédibilité scientifique.

                                                   Ma propre synthèse:

Si je devais expliquer l’idéalisation des neurosciences d’après mes recherches, on pourrait avoir l’impression que les NS relient les sciences dures et les sciences humaines pour expliquer le tout. Une sorte de science finale. Un engouement assez récent, cette transdisciplinarité fascine car elles semblent capables d’éclairer tous les domaines : éducation, économie, sociologie…

Et ça grâce aux dernières avancées dans différents domaines (maths, informatique…). Nous pouvons avoir une imagerie du cerveau, et d’autres techniques pour marquer les neurones, pour les compter. Ces techniques lui donnent une énorme crédibilité mais sont mal comprises du grand public. Et aujourd’hui, elle devient instrumentalisée pour faire de l’argent par les magazines, journaux, médias, pour vendre des livres.

Conclusion: 

Pour s’informer en science et même en neurosciences, il n’y a pas besoin d’avoir un quelconque diplôme mais il faut savoir vérifier ses informations et ne pas croire en tout et n’importe quoi. Donc, prenez les nouvelles informations avec des pincettes et essayez de diversifier vos sources. 

Références:

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